dimanche 18 mai 2008

Eros et Thanatos

Le 18 novembre 2005.

Un homme avance, fier et fragile à la fois, sa virilité arrogante et interrogative.

Dans chaque regard, chaque geste, il lit l’admiration de tous.

Il ne doute pas de sa beauté, il est même vaniteux, et s’en accorde le droit. Ce n’est pas seulement son avis, c’est celui de tous ceux qui l’entourent, hommes comme femmes, il se sait admiré et désiré. Chacun de ses pas puise son assurance dans sa beauté et dans son intelligence. Non, c’est même plus profond que ça : dans sa supériorité.

Il ne méprise pas les autres, pourtant, il s’en sert. Ce sont eux qui l’ont fabriqué, qui ont fait l’homme qu’il est aujourd’hui. Qu’il est ou qu’il paraît être ? Chaque moment de sa vie est rythmé par quelque chose : il sort, il danse, il drague, il couche, il écoute de la musique à fond, il joue sur son ordinateur, il rencontre ses nombreux contacts virtuels, il regarde la télévision, il dors quand il en a le temps… pas un seul moment de répit.

Sa vie, c’est celle qu’il a choisit, ou que la société lui a imposé.
Mais jamais, non jamais, il ne se retrouve face à face avec lui-même, ce beau jeune homme qu’il admire et encense, mais qui lui fait un peu peur.

Il se rassure avec les filles qui passent dans son lit, et elles sont nombreuses à se laisser piéger par sa beauté et son insouciance, même par sa naïveté ou son intelligence, et surtout sa vivacité, son hypersensibilité… elles se laissent faire, et tombent toutes dans le piège : elles tombent amoureuses ! Amoureuses d’un homme idéal, attentif et sérieux comme il peut l’être, ou plutôt le paraître. Car, s’il pense et prétend chercher une relation sérieuse, il ne l’est pas, il ne peut pas l’être.

Il faut donner à chaque instant de sa vie un parfum de légèreté, d’inoubliable et de bien-être, sans essayer d’aller plus loin.
Et des filles, il en voit défiler.
Il est comme boulimiques avec elles, pas seulement pour satisfaire les besoins de son corps de 19 ans, mais aussi, il le sens bien confusément, pour autre chose, une présence, une attention, quelque chose de féminin et de doux qui lui manque.
Non, ne pas penser à sa mère.
Ces filles s’occupent de lui, s’attachent à lui, et il s’en lasse vite.
Sa vie défile, cela fait si peu de temps qu’elle a commencé, depuis qu’il a arrêté l’école, pris ce boulot, trouvé son appart… et pourtant il lui semble déjà qu’elle se déroule devant ses yeux sans fin, sans qu’il ait de prise dessus.
La seule chose qu’il perçoit de façon lointaine, c’est qu’il a besoin de quelque chose.

Ce n’est pas réellement un manque, c’est juste un besoin.

Et il le cherche avec ces filles. Elles sont belles, souvent intelligentes et sympathiques, mais elles passent dans sa vie sans incidences… bien sûr, il a connu quelques chagrins d’amour, comme tout le monde, et il reste marqué par ces femmes, et donc un peu plus méfiant et renfermé vis à vis de celles qui passent qu’il ne le serait sinon.

Mais toujours ces questions, lancinantes : pas adapté à quoi ? par rapport à quoi ? pour qui ? selon quels critères ? et surtout, pourquoi ? la société l’intègre, il en est même un archétype, alors pourquoi inadapté ? non, ne pas réfléchir à ça.
Il est toujours entouré, il connaît un nombre de personnes invraisemblable, que ce soit au boulot, au lit ou quand il sort, mais, il le dit lui-même, il n’a pas de véritables amis.
Mais à quoi ça sert, des amis ? à se rassurer ? alors il a ce qu’il faut dans les regards qu’il croise dans la rue et avec les filles qui sont dans son lit. A réfléchir ? est-ce qu’il en a réellement envie, et surtout, est-ce qu’il en a besoin ? A se sentir bien ? oui, mais finalement, est-ce qu’il a le temps d’avoir des amis, de sortir avec eux, de passer du temps à parler et divaguer, ou même juste à s’amuser ? non, il n’en ressent pas le besoin, d’ailleurs, il ne ressent pas beaucoup de besoins, enfin du moins pas de l’ordre de ceux que l’on peut déjà commencer à considérer comme élaborés, c’est-à-dire plus intellectuels que physiques, en fait. Des désirs sexuels, physiques, addictifs, il en a beaucoup, mais pour ce qui est d’apprendre, de découvrir, de comprendre… c’est plus compliqué !

Trouver une femme, une vraie, qui soit capable de s’occuper de lui à chaque moment de leur vie, mais qui soit aussi capable de lui rabattre le caquet quand il devient trop arrogant, est-ce possible ? Il faut qu’elle soit belle, bien sûr, il ne se contentera pas d’une médiocre. Mais il ne faut pas qu’elle soit trop intelligente, ou en tout cas trop réceptive, qu’elle ne le comprenne pas toujours. Ce n’est pas clair dans son esprit.

Surdoué. Ca veut dire quoi ? bien sûr, il a lu la définition du dictionnaire, celle que lui ont donné les personnes qui lui faisaient passer les tests, mais ça ne l’a pas aidé à comprendre pourquoi il en était un, lui.
Et comment ça se manifeste ? ça doit se voir, quelque chose qui est pris aussi au sérieux et qui paraît aussi grave à toutes les personnes auxquelles il en parle.
C’est un bon test, d’ailleurs. Pour lui comme pour eux. Comme ça il sait si la personne est compréhensive, attardée, ouverte, tolérante, bornée… et puis surtout, comme toujours, il étudie dans les yeux des autres ce qu’il doit être.
Les réactions les plus courantes sont la pitié et l’admiration, parfois les deux mêlées. En tout cas, ce n’est jamais neutre. Il aime dire ça au moment où l’autre s’y attend le moins, ménager son effet pour mieux ressentir la réaction de l’autre.

L’autre comme miroir, comme référence, comme point d’ancrage dans une vie irrégulière et le plus souvent inattendue, qui lui a réservé plus de mauvaises surprises que de bonnes.
Cet autre qu’il observe sans cesse, qu’il traque, qu’il suit dans ses moindres mouvements, mais toujours en feignant l’indifférence la plus totale.
Rien ne lui échappe, il analyse et juge chaque faits et gestes.
Est-ce qu’il juge vraiment ou n’est-ce qu’une apparence ? sa vie n’est peut-être qu’apparences.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Echo ! (*échooo?*)

C'est bien que tu mettes des bouts d'anciens blogs, ca me frustrait, de pas pouvoir remonter dans tes archives :)

Elle a dit…

Le commentaire plus rapide que son ombre, 12 minutes après publication!
C'est un peu toi et Thomas qui m'avez donné l'idée de faire ça lorsque vous me demandiez mes archives... alors je suis contente que ça te plaise!
Euh... Echo?
Biz!

Anonyme a dit…

Oui, c'est dommage que tes anciens textes ne soient plus accessible. C'est comme si tu m'avais prêté un (ton) bouquin (que je ne t'aurais d'ailleurs toujours pas rendu ... ) et que je ne le retrouvais plus dans ma bibliothèque ... En même temps parfois c'est mieux d'essayer de se rappeler des textes qui nous ont plu :) ... Bises incompréhensions

Elle a dit…

C'est vrai que tu les as tous connus, toi Quan!
S'il y en a qui te manquent dont tu souviens, y'a qu'à demander, je les publierai un dimanche...
Bonne journée et à bientôt!

Anonyme a dit…

Superbe texte...qui m'a entraîné du premier au dernier mot dans un rythme et une prose que j'apprécie.

Elle a dit…

Nadaiya, c'est gentil de passer ici, je regarde tes belles images de temps en temps... contente que ce texte t'ai plu!