lundi 25 avril 2016

Vivre un accouchement.




C'est sans doute à ce jour l'expérience la plus forte, la plus puissante que j'ai vécu. La plus difficile sans doute aussi. La plus étrange et merveilleuse peut-être. Bref, je pourrais continuer à essayer de la qualifier qu'aucun mot n'y suffirait.
   
Je l'avoue, pendant et juste après, le mot que j'aurais sans doute employé c'est traumatisant.
   

Mais je ne me doutais pas à quel point en fait il y a toujours plus traumatisant après, dans l'univers de la maternité. Mais ça, c'est une histoire qui viendra plus tard.

Un accouchement, ça ne se prépare pas.

On nous dit qu'on a neuf mois pour ça pourtant. Et des cours même. Et surtout, surtout, les récits de celles qui y sont déjà passées. 

Moi j'avais déduit de tout ça que mon accouchement ne pourrait pas ressembler à quoi que ce soit de connu, et que cela ne servait à rien d'anticiper. A priori j'allais avoir mal, certes. Mais prévoir les réactions de mon bébé, de mon corps, de mon esprit ou même du personnel hospitalier à ce moment là, ça me semblait illusoire. Et j'avais raison, plus encore que je n'aurais pu l'imaginer.
Seulement voilà, il y a les cours, et surtout, surtout, il y a les récits.
   

Et selon ce que l'on reçoit, les idées se précisent, se bousculent, s'organisent presque sans qu'on s'en apperçoive.
   

Jusqu'à cette fameuse "valise de maternité". 
   
On a une liste de choses à prendre, énorme. Pour le bébé, pour nous, et pour l'accouchement.
   

Et puis il y a les cours, et puis, surtout, surtout, il y a les récits.
   

Alors on retranche et on ajoute, on organise. Et pour faire tout ça, on projette, on imagine. Et c'est imperceptible pour l'extérieur, mais les idées se précisent encore un peu plus.
   

Et pourtant, à ce moment-là, on devrait déjà sentir à quel point quelque chose cloche, à quel point les récits et les conseils donnés sont incohérents. Ça sonne juste parce qu'on tape dans la profondeur de l'humain, dans son expérience, mais on ne sait pas encore à quel point rien ou presque n'est applicable, transposable à soi.
    

Moi j'ai tout écouté et j'ai rien entendu. Chaque femme m'a parlé d'elle, aucune ne pouvait me parler de moi.
À part moi, mais je crois que ça je l'avais oublié, sans doute à mi-chemin entre un cours et un récit.
    

Parce qu'à la fin de chacun de ces récits, comme pour se faire pardonner d'avoir partagé une trop grande intimité avec moi alors que parfois elles ne me connaissaient même pas, ces femmes demandaient souvent : "et toi ?".
    
Moi ? Je veux quoi moi ? Je dois déjà savoir si je veux allaiter et comment je veux parfumer ma salle d'accouchement alors que ce bébé n'a même pas 3 mois dans mon ventre ? Sérieusement ?
   

J'aurais aimé qu'on me demande comment je profitais, si j'appréciais, qu'on me rassure sur ce que je traversais alors, mais pas qu'on me demande - déjà et inlassablement - ce que je voulais APRÈS.
   

Après, je fais ce que je peux.
    

Et pendant l'accouchement, j'ai fait ce que j'ai pu aussi. C'est-à-dire pas grand chose à part souffrir, avoir peur, poser des questions et trembler des pieds à la tête. Et ça n'a rien d'une métaphore, le tremblement m'a submergé et fait claqué des dents tout du long.
   

Alors franchement, mon petit accouchement idéal avec ballon, massages et option huile essentielle de lavande, aujourd'hui je me rends compte à quel point c'était ridicule.
   

Un accouchement, c'est de l'humain avant tout, c'est profond et ça part des tripes, ça fait peur et ça fait mal. 

Et c'est imprévisible.