jeudi 21 août 2008

Télécommande.


Ca y est, il est rentré.

Tu l'attends sur le lit, comme il aime. Tu entends ses pas traverser le grand appartement, un peu assourdis par les tapis angoras que vous avez achetés ensemble il y a quelques mois.

Non, qu'il t'a achetés en réalité. Comme tout ce qui est ici.

Tu l'as eu, ton bel appartement parisien avec lambris et parquets, avec de beaux meubles anciens, quelques tableaux de maître, sans parler du masque de sarcophage égyptien qu'il t'a offert pour ton dernier anniversaire.

Le voilà devant toi, et tu sais que tu vas devoir y passer. En fait, c'est pas tant le sexe en lui-même qui te gênes, parce que tu aimes ça, et qu'il est doué, non, c'est la situation.

Pour te rassurer, tu te dis que tu l'aimes, mais ça fait déjà bien un an que t'y crois plus. Au fond de toi, une petite voix scande que tu es une pute, mais tu refuse de l'écouter.

T'es pas vieille pourtant, t'as quoi? Dix-neuf ans. Et t'en fais presque trente. Tu sais pas si c'est l'expérience ou les emmerdes qui t'ont vieilli prématurément.

T'es pas bête non plus, mais t'as arrêté tes études pour cet avenir que tu percevais comme brillant, tant qu'il était à tes côtés.

Lui, c'était ton prof, et c'est aussi un expert, ce qui explique son fric. Il t'as dragué pendant des mois, sans subtilité mais avec brio, et t'as finit par tomber dans le panneau des fleurs, des bijoux, des tenues, des restaus chics...

Tu pensais pas que t'étais une fille comme ça pourtant. Tu te trouvais même pas vraiment belle.

Et puis il t'a tout appris, patiemment. Il t'as modelée.
Tu sais t'habiller, te maquiller, te parfumer pour lui plaire... Mais tu sais aussi quoi dire et quand rire, mettre les gens à l'aise dans un cocktail, briller en société...

Parfois, t'as l'impression d'être juste un caniche bien dressé.

Oh, il y a eu d'autres mecs, mais tu ne les voyais pas, ils ne lui arrivaient pas à la cheville. Tu en as baisé quelques uns, peut-être plus pour te prouver que tu existais encore en dehors de lui que pour y trouver du plaisir.

"A quoi tu rêves, ma belle?"

Tu te reprends et souris. A toi de jouer ton rôle.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Le texte en lui-même, vécu d'une certaine façon par mon petit nombril, est très beau et triste.

Par contre, d'un point de vue purement littéraire, je trouve la construction trop aérée.

Elle a dit…

Dis, tu commence pas avec tes critiques littéraires? ;) Je n'ai aucune prétention de ce côté là, moi!
Par contre, j'apprécie la façon dont tu vis ce texte "avec ton petit nombril"... mais peut-on faire autrement?

Mamzelle Simone a dit…

je ne sais pas si on peut faire autrement... en tous cas je comprends...
très touchant
Baisers
à très vite